IPTV au Sénégal : Une aubaine ou un danger pour l’industrie audiovisuelle ? (Libre avis)

Société

Depuis son lancement il y a près de dix ans, la Télévision Numérique Terrestre (TNT) peine à s’imposer comme le principal mode de consommation télévisuelle au Sénégal. Sur les 965.000 décodeurs initialement prévus, seulement environ 450.000 sont actuellement disponibles sur le marché. Cette adoption limitée, conjuguée à des problèmes de couverture et à diverses difficultés techniques, a favorisé l’émergence d’une alternative : l’IPTV (télévision par Internet). Cette technologie, qui permet d’accéder à un large choix de chaînes et de contenus via Internet, séduit de plus en plus de Sénégalais. Toutefois, son développement suscite des interrogations majeures : l’IPTV est-elle une opportunité d’innovation ou une menace pour l’industrie audiovisuelle locale ?

Une TNT en difficulté face à l’essor de l’IPTV

Présentée comme un moyen de moderniser la diffusion télévisuelle, la TNT se heurte à des obstacles importants. La couverture nationale reste partielle, l’offre de décodeurs est limitée et des problèmes techniques persistent. Face à ces difficultés, l’IPTV s’impose comme une alternative pratique. Avec un accès à Internet haut débit, les utilisateurs peuvent visionner des chaînes internationales, des films, des séries et des services de vidéo à la demande.

Dès 2013, les experts ayant travaillé sur la stratégie nationale de basculement vers la télévision numérique avaient prédit que l’IPTV et la télévision connectée allaient transformer le paysage audiovisuel. Aujourd’hui, cette prédiction se confirme avec une adoption croissante de l’IPTV, qui bouleverse les modes de diffusion traditionnels tout en soulevant des inquiétudes, notamment en termes d’utilisation illégale et d’impact sur l’industrie locale.

Entre opportunités et risques

L’IPTV présente plusieurs avantages. Elle réduit les coûts de distribution, permettant aux petites entreprises et aux créateurs locaux de diffuser leurs contenus plus facilement. Elle pourrait ainsi stimuler l’innovation et favoriser l’émergence de plateformes audiovisuelles sénégalaises.

Cependant, elle est souvent associée au piratage. De nombreux fournisseurs illégaux diffusent des chaînes payantes sans autorisation, proposant des abonnements à des prix dérisoire. Cette concurrence déloyale affecte les acteurs légaux et pénalise les producteurs locaux, dont les revenus diminuent. Les chaînes télévisées perdent également en audience et en recettes publicitaires.

Si l’IPTV en elle-même n’est pas illégale, sa distribution est soumise à une réglementation stricte. Les fournisseurs doivent obtenir une autorisation de l’Autorité de régulation de l’audiovisuel (CNRA), conformément à l’article 159 du Code de la presse.

Les acteurs en cause

Deux types de distributeurs posent problème aux opérateurs réglementés :

  1. Les plateformes internationales non autorisées localement : Netflix, Amazon Prime et DSTV, bien que légales à l’échelle mondiale, opèrent sans autorisation au Sénégal. Leurs services sont accessibles en ligne et payés via des moyens électroniques classiques, échappant ainsi au contrôle du régulateur et aux services fiscaux.
  2. Les distributeurs pirates : Des fournisseurs comme Aniwatch, BestBuyIPTV ou Cuevana3 proposent des boîtiérs IPTV illégaux à des prix très bas. Ces services sont attractifs, notamment pour les amateurs de sport, mais fonctionnent en toute illégalité. Ils fragilisent l’économie locale en privant les chaînes et producteurs de revenus essentiels.

Le piratage via l’IPTV a des conséquences néfastes. Il prive les créateurs de financements pour de nouveaux projets et freine le développement de l’industrie audiovisuelle sénégalaise. De plus, il expose les utilisateurs à des contenus inappropriés, notamment les plus jeunes, faute de contrôles parentaux.

Lutte contre le piratage

Face à ces enjeux, le Sénégal a adopté des mesures strictes. Le Code pénal inclut désormais la notion de « captation frauduleuse d’images », passible de sanctions lourdes. L’article 368 bis de la Loi 2014-27 prévoit des peines pouvant aller jusqu’à deux ans d’emprisonnement et des amendes élevées pour toute diffusion illégale de contenus audiovisuels.

Plus de 200 revendeurs de boîtièrs IPTV pirates ont récemment été arrêtés au Sénégal et dans d’autres pays africains, notamment en Côte d’Ivoire, en Guinée, au Cameroun et au Congo. En France, depuis 2022, plus de 3.370 sites pirates ont été bloqués, et les autorités multiplient les actions contre les fournisseurs et utilisateurs de services illégaux.

Un avenir à encadrer

Bien que le piratage constitue un frein au développement de l’industrie audiovisuelle, l’IPTV en elle-même représente à la fois une opportunité et un défi. Si elle est bien réglementée, elle peut favoriser l’innovation, démocratiser l’accès aux contenus et renforcer l’économie locale.

L’avenir de l’IPTV au Sénégal dépendra de la capacité à concilier les innovations technologiques avec la protection des droits des créateurs. Une réglementation efficace et une sensibilisation accrue seront essentielles pour transformer cette technologie en un levier de développement durable pour l’industrie audiovisuelle locale.

Source : Malick Ndiaye https://lemarin.ouest-france.fr/

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